Métempsychose

Tout venait de changer subitement. Il n'aura fallu qu'un regard pour que tout ce que j'avais vécu, tout se dont je croyais jusqu'à présent, désirs, projets, convictions soient balayés par le simple fait de deux yeux noirs et profonds qui s'étaient posés sur moi. La pièce s'était alors vidée de son odeur, de son décor, de son animation humaine ;  et dans l'immaculée de l'espace, il n'était resté plus que ce regard dont j'étais devenu l'heureux prisonnier.
Ce que j'avais cru, que j'aurais voulu une éternité, n'avait duré que quelques secondes, jusqu'à ce que la voix de Guillaume me ramène partiellement à la réalité, et que la sensation de ses lèvres sur les miennes parachève ce douloureux éveil. A cet instant là, tout ce que mon coeur avait respiré d'amour pour lui s'était transformé en une haine jusqu'alors inconnue ; je désirais que mes lèvres transpirent le poison qui venait de naître dans mon coeur, qu'il soit foudroyé dans l'instant. Mon hystérie m'avait fait peur. Je repris contenance et cédai à sa bouche, mais je n'avais pas réussi à faire taire ce dégoût, cette haine qui venait de s'imposer.
J'appréhendais de rentrer. Il le fallait bien. Sur le trajet, aucun son ne s'échappa de ma bouche. Guillaume s'était inquiété mais j'avais réussi à feindre, sous un faux sourire, la fatigue. Il n'avait plus posé de question.
Par habitude, je me déshabillai, m'allongea sous la couette, espérant m'endormir au plus vite ; mais même les yeux fermer je ne trouvais pas le sommeil, les évènements de la soirée tournoyaient dans ma tête. Guillaume sortit de la salle de bain et vint se blottir tout contre moi. Je n'osais plus bouger, me concentrant sur ma respiration afin de lui faire croire à mon sommeil.
Je savais qu'il ne cesserait pas, même si je l'avais espérer, tant que son désir ne serait pas satisfait. Ses pores exhalaient l'excitation primaire de l'homme en rut bafoué d'un pouvoir qui lui échappait, et imposant sa domination sexuelle croyant ainsi se réapproprier ses terres.
Cette nuit, j'ai connu mon premier viol. Ma haine s'accrue davantage.